Un second Blood and Guts !

Un second Blood and Guts !

Monsieur Michael Lefèvre, un de nos lecteurs, nous a interpellés suite à la publication d’un profil couleur dans notre mook 1944 en page 79.

Mook 1944 - Weyrich EditionLe char Sherman évoqué appartenait au 707th Tank Battalion. Son histoire a été relatée par Hugues Wenkin et Christian Dujardin dans leur ouvrage les Témoins d’acier T1. Il trône aujourd’hui en guise de mémorial à Wiltz au Grand-Duché du Luxembourg. Cet engin a été baptisé par son équipage « Blood and Guts », sang et boyaux. Cette expression fait référence aux États-Unis à un fait d’une extrême violence. Il semble que ce char appartenant au lieutenant-colonel Ripple ne soit pas le seul a avoir reçu ce nom de baptême. En effet, notre lecteur nous a fait parvenir une photo d’un Sherman portant le même nom en nous demandant notre avis.

Très rapidement, nous avons pu constater qu’il ne s’agissait pas du même engin, ce second Blood and Guts ayant une caisse hybride (en partie soudée avec des éléments frontaux moulés). Il a été produit chez Chrysler Corporation vraisemblablement pendant l’automne 1943. Nous renseignant sur la date et l’endroit où la photo a été prise (Saint-Rémy, le 9 septembre 1944), nous sommes arrivés à la conclusion qu’il ne pouvait appartenir qu’à la 5th Armoured Division, la 5e division blindée américaine ou au 741st Tank Battalion, alors attaché en appui à la 28e division d’infanterie. Nous sommes retournés dans nos archives pour retrouver les circonstances de l’heure. Pour nos lecteurs qui ne seraient pas familiarisés avec l’organisation des divisions blindées américaines, rappelons simplement qu’elles s’organisent en trois brigades blindées appelées Combat Command A, B et R, en abrégé CCA, CCB et CCR. Notre document étant issu de l’état-major de la division, c’est à ces brigades blindées qu’il fait essentiellement référence.

Voici donc ce que raconte le rapport après action de cette division, quand elle pénètre en Belgique au moment de la libération du territoire :

Le 7 septembre à 17 h 30, les ordres sont reçus du V Corps pour le mouvement de la Division le 8 septembre. Le 85e escadron de reconnaissance mécanisé était rattaché à la 28th Infantry Division.

Le CCA devait se déplacer derrière la 28e division d’infanterie sur l’axe DOUZY – SACHY – CARIGNAN – FROMY – THOMME LA LONG – UN TON THONE – HOUDRIGNY – ST MARD- LATOUR et bivouac aux environs de LATOUR, le quartier général de la division suivrait le CCA jusqu’au voisinage de VIRTON ; le quartier général de l’artillerie de division suivant le quartier général de la division.

Le CCB devait traverser la rivière à PONT MAUGIS, suivre l’artillerie de la division et bivouaquer aux environs de VILLERS LA LOUE. Le 22e bataillon blindé du génie a reçu l’ordre de suivre le CCB avec bivouac dans les environs. L’artillerie de la division et le train logistique ont traversé derrière le 22e bataillon blindé du génie à PONT MAUGIS et ont bivouaqué à proximité de THOMME LA LONG. Il a été ordonné au CCR de se déplacer à midi derrière la 28e Division d’infanterie sur l’axe VIDAIGNE – VILLERS CERNAY – FRANCHEVAL – ESCOMBRETS – MESSINCOURT – CHASSE – PIERRE – FLORENVILLE PIN VAMOIGNE – TINTIGNY et de bivouaquer aux environs de MARLE.

La progression est lancée par le CCA à 8 h 15 le 8 septembre. À 16 heures, le 8 septembre, les ordres reçus du V Corps précisent que le 85e escadron de reconnaissance mécanisé soit libéré de son rattachement à la 28e Division d’infanterie à 8h15 et que, au début du 9 septembre, la 5e Division blindée traverse la 28e Division d’infanterie. Des ordres ont été donnés au CCA pour avancer sur l’axe VIRTON -AUBANGE – LUXEMBOURG; au CCR de se lancer sur l’axe IZEL – ST MARIE – ARLON – GUIRSCH – MERSCH; le reste de la division suivra la progression du CCA. Le commandant du corps a autorisé le commandant de la 5e division blindée de continuer à sa guise, de rejoindre le chemin de fer nord-sud traversant la ville de LUXEMBOURG et de reconnaître la frontière allemande. Toutes les unités de la division étaient en bivouac à 23h00 le 8 septembre, et le CCA et le CCR étaient prêts à attaquer dès le matin du 9 septembre. Lorsque la progression a repris le 9 septembre, la résistance de l’ennemi s’est quelque peu raidie. De nombreux barrages routiers, cratères et ponts détruits ont été découverts sur le chemin de la Division. Le premier contact avec l’ennemi a eu lieu à 13 h 00 par le CCA Est de FROMY. Le CCR à ce moment avait atteint ETALLE où un gué était utilisé pour traverser le ruisseau qui s’y trouvait. ( Ce que les Américains appellent un ruisseau, c’est notre magnifique Semois… NDLR) Le soutien aérien bombardait et tirait devant les deux colonnes des brigades de combat.

Devant le CCR se trouvait une colonne d’artillerie hippomobile qui tentait de s’échapper au nord-est vers HABAY LA NEUVE. La résistance devant le CCA était une force de cyclistes et d’infanterie, quelques véhicules et des canons antichars. À 15 heures, le CCA avait progressé d’une dizaine de kilomètres et le CCR s’approchait de HABAY, s’engageait avec l’ennemi et progressait lentement. À 16 h 45, le CCA combattait des chars ennemis juste à l’est de BASCHARAGE, tandis que davantage de chars seraient arrivés de LUXEMBOURG.

Le CCR avait nettoyé HABAY et se déplaçait sur LOTTERET. Le poste de commandement de la division était installé à AUBANGE. L’appui aérien faisait un travail magnifique devant les deux colonnes et la progression se poursuivait. À 22 heures, CCA se trouvait toujours à sept (7) kilomètres à l’ouest de la ville de LUXEMBOURG et interdisait les principales voies d’évacuation à partir de la ville. Le CCR était juste au sud de USELDANGE. Il est rapporté que la ville d’ARLON est fortement minée et a été contournée par le CCR. Les pertes des deux colonnes en matériel et en personnel pour la journée étaient très légères. Au cours de la journée, notre appui aérien a détruit 12 chars et 70 autres véhicules ennemis.

Compte tenu de ces éléments, le jour où a été prise cette photo, la division était fortement engagée plus au nord. Un Sherman à l’arrêt juste après la frontière belge pourrait s’expliquer par une panne. Un homme d’équipage est laissé à la garde de l’engin pour attendre l’échelon de réparation.

Hawk !