Sur les traces de la Brigade Piron en Normandie
Les héros se forment.
Aux sources d’une brigade d’irréductibles
Le 26 mai 1940, le centre de regroupement militaire belge de Tenby est officiellement créé. Dès le 30 mai, à la suite de la décision du gouvernement Pierlot de continuer la lutte, un premier convoi de quarante-neuf officiers et trois cent quarante-sept hommes, sous-officiers, techniciens et hommes de troupe est formé pour repartir en France. Un seul et unique convoi part le 3 juin pour le continent. Le centre continue de fonctionner. Il recueille alors les échappés de Dunkerque.
Ceux-ci, militaires d’active ou de réserve, sont les premiers à arriver en Grande-Bretagne par choix délibéré de continuer la lutte. Ils ont été rassemblés dans la poche encerclée par le capitaine-commandant De Paepe. Par la suite, le général Van Strijdonck convainc les Anglais du potentiel militaire de ces Belges. L’accord d’en faire une unité combattante est arraché au forceps et immédiatement concrétisé. Le 30 juillet, le commandant Cumont visite Tenby. Il est là pour évaluer le potentiel et présente un document : « Désirez-vous faire partie d’une unité combattante ? » La quasi-totalité des officiers et la grande majorité des sous-officiers répondent par l’affirmative. Le 12 août voit la création de la première compagnie placée sous les ordres du commandant De Paepe. Les effectifs gonflent petit à petit. Ainsi, quarante-cinq hommes de plus se joignent au contingent cinq jours plus tard. Le 26 août, une seconde compagnie peut être créée. Elle est placée sous le commandement du lieutenant Smekens, jeune officier d’active. Le 17 septembre, les premières armes sont livrées ; après une semaine, la première compagnie est déjà mise au service de l’armée anglaise pour tenir une portion du littoral de l’île.
La compagnie campe dans les dunes et les bois de sapins, à quelques kilomètres de la ville, au bord de la mer. Cette vie en secteur a un excellent effet sur le moral des soldats : « Nous vivons dans un coin qui nous rappelle la Campine… À 8 heures, l’appel du soir devant le drapeau belge, symbole des gloires passées et des exploits futurs, témoin de nos triomphes et de nos deuils ; devant notre drapeau tricolore, le premier hissé dans un camp anglais, nous chantons Vers l’avenir. Moment pathétique ! Cœurs crispés. L’émotion nous étreint et, dans les bosquets voisins, les postes anglais isolés répondent par le God save the King. Réunies dans la même prière, nos voix montent au ciel, claires et chaudes… J’écris dans une tranchée, face à la mer, d’où viendra peut-être le danger. Les soldats chantent, insouciants, confiants… Nous sommes de garde pour quarante-huit heures, au bord de la mer. Seuls en face de l’inconnu, au milieu des mille bruits troublants de la nuit. Le doigt sur la gâchette, le téléphone près de nous… Nous sommes ravitaillés par camion. Nous mangeons autant de sable que d’aliments. Avant de quitter notre poste, nous inscrivons dans le sable humide : Vive la Belgique ! »
À la fin de l’année 1940, le 1er Bataillon de Fusiliers atteint enfin son effectif complet : 825 officiers, sous-officiers et hommes. Les Anglais, quant à eux, observent l’évolution et continuent leur politique de développement, soutenant les contingents étrangers en fonction des efforts accomplis. C’est ainsi que le général Corry revient à Tenby le 21 janvier 1941 et se déclare satisfait. Le bataillon est mûr pour une nouvelle expansion.
En conséquence, la troisième compagnie est détachée dans un bataillon britannique. Il ne s’agit plus d’un stage d’infanterie, mais bien d’une immersion dans l’artillerie, car l’hôte des Belges est le 6th Battalion de la Royal Artillery. Le 15 février, la First Field Artillery Battery est officiellement constituée sous les ordres du capitaine-commandant Hirsch. Les cadres ont été recrutés le mois précédent parmi les membres des forces belges ayant une expérience de l’arme savante. Elle comprend deux troupes de deux sections chacune. Les conditions des entraînements sont marquées au départ par le plus grand dénuement. Aucun canon n’étant disponible, de ce fait, c’est avec des pièces fictives dessinées à la craie au sol que l’instruction commence. Ils reçoivent ensuite des canons de 75 mm français, et ce n’est qu’en décembre 1941 qu’ils reçoivent leurs 25 pounders.
On ne peut évoquer cette batterie sans parler de son contingent luxembourgeois. Les Luxembourgeois ne sont pas assez nombreux pour composer un groupement indépendant. Aussi, ils sont confiés à la brigade Piron suite à un accord gouvernemental belgo-luxembourgeois. Les lois de la guerre leur compliquent singulièrement la vie. Le Luxembourg est annexé au III. Reich. Les évadés luxembourgeois sont donc considérés comme traîtres à la patrie germanique. Ils sont soit d’anciens légionnaires, soit des déserteurs qui ont quitté l’armée allemande pour se battre pour leur vraie patrie. Ils portent en général de faux noms pour éviter que leurs familles soient inquiétées, et ils restent discrets sur leur passé. Ils savent que s’ils sont faits prisonniers, ils seront fusillés.
En février 1941, les forces belges sont organisées sous la forme d’un bataillon de fusiliers à trois compagnies, une batterie à deux troops, une compagnie de renfort et d’instruction, un dépôt, une infirmerie, un conseil de guerre et une aumônerie. Le tout coiffé, comme il se doit, par un état-major rattaché tactiquement à une brigade anglaise. Il ne lui manque plus qu’un élément de reconnaissance, encore au stade de gestation.
Le capitaine-commandant Lechat reçoit l’ordre de se rendre au 1 st Derbyshire Yeomanry, le régiment d’autos blindées de la 6 th Armoured Division. Il est accompagné des lieutenants Sauvage et Totelin, de trois sous-officiers et de trois hommes de troupe en vue d’effectuer un stage de deux mois pour étudier l’organisation et la tactique de ces unités. Le but est bien entendu de former par la suite un escadron belge d’autos blindées. Les stagiaires rentrent au bercail à la fin du mois d’avril et l’instruction du premier contingent commence immédiatement. Le 3 juin, le capitaine B.E.M. De Walckiers reçoit officiellement mission de former un escadron d’autos blindées, comprenant initialement un peloton d’état-major, deux pelotons d’autos blindées et un peloton administratif.
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Hugues Wenkin
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