Patton et Bastogne, une nouvelle vérité dans Mook 1944 n°5
Une critique de Philippe Degouy
Aux Etats-Unis comme ailleurs, Bastogne est synonyme de victoire américaine décisive dans la bataille des Ardennes. Comme le début de la fin de l’offensive allemande. Une ville associée au génie militaire du général Patton, libérateur de la ville avec une percée épique. Une image d’Epinal longtemps véhiculée par les médias américains et battue en brèche par le nouveau Mook 1944 n°5 (éditions Weyrich) au titre qui annonce d’emblée la couleur : « Patton mis au pas à Bastogne. »
Non, le sort de la bataille des Ardennes ne s’est pas joué à Bastogne, loin « d’être l’épicentre de la bataille des Ardennes » , comme le rappelle Hughes Wenkin dans l’introduction. Avant d’ajouter que « ce n’est pas à Bastogne qu’on a tiré le plus de cartouches. Les paras de la 101e AD ne peuvent pas occulter les sacrifices des GI’s dans leurs trous de fusiliers pour stopper et repousser les Allemands. » Certes le front a résisté « mais l’opportunité de saigner la Wehrmacht s’est envolée au prix de pertes alliées énormes. » Au point de qualifier la bataille des Ardennes de match nul, sans vainqueurs. La faute aux erreurs de Patton, qui n’a pas su exploiter certaines opportunités? Un débat qui fait front parmi les nouveaux historiens, peu sensibles au mythe qui entoure le général. Le portrait de cette icône dressé par Jean-Claude Marthoz explore la face sombre, avec objectivité. Même si, comme le précise le journaliste, « personne n’est neutre quand il s’agit de Patton ». Un général fort en gueule, gaffeur avec la presse et partisan d’une Amérique forte, blanche et chrétienne. Le modèle de l’ancien président Donald Trump. Qui aurait pu en douter ?
Il reste tant à raconter
Une terrible bataille des Ardennes incarnée par deux récits de combats marquants, comme à Lutrebois et au Schumann’s Eck. Les équipements ne sont pas en reste avec un dossier étoffé et constructif de Clément Binon sur les chars Tiger I et II. Deux monstres qui ont souffert du terrain ardennais peu adapté.
De nombreux autres articles surprennent le lecteur, l’emmènent vers des sujets peu traités auparavant. Comme ces crimes de guerre alliés, souvent occultés, parfois dilués dans les affres des combats. Un sujet proposé par Jean-Claude Marthoz. Clément Tahir revient quant à lui sur le système D qui a dominé sur le front avec des GI’s dotés de tenues loin d’être suffisantes pour faire face au redoutable froid de l’hiver 1944.
Deux sujets parmi d’autres, à découvrir dans un numéro toujours aussi riche en clichés inédits. Sans oublier le traditionnel parcours à effectuer sur le terrain, avec carte et itinéraire à suivre. Une sortie pour le moins originale proposée par ce tome 5 qui se lit jusque la dernière ligne.
Note : Outre celle de cet ouvrage, la lecture du nouveau livre de l’historien Hugues Wenkin constitue un heureux complément. 1944 La percée allemande. Tome 1 Bastogne (éd. Weyrich) constitue le premier numéro d’une collection, qui reprendra toutes ces informations qui ne peuvent trouver place dans le Mook 1944. Une initiative qui prouve une fois encore que tout n’a pas encore été publié sur ce conflit. Tant s’en faut. La nouvelle génération d’historiens apporte un regard différent, plus critique et plus distant. Une génération qui n’a pas connu la guerre et tout le volet émotionnel annexe. Un ouvrage qui sera chroniqué prochainement.
Philippe Degouy, 7/2/21,
Le numéro 5 du Mook 1944 est disponible en librairies et sur notre E-shop :
