Le Mook 44/5 et La Percée allemande chroniqués dans Le Soir mag
« Un nouveau numéro du “Mook 1944” aborde en détail des épisodes moins connus de la Bataille des Ardennes, comme les erreurs de Patton ou les crimes de guerre commis par les Américains. »
1944, l’enfer blanc en Ardenne
« Si vous pensez tout savoir sur la Bataille des Ardennes, vous faites erreur. Depuis 2019 et le 75e anniversaire de cet événement, les éditions Weyrich revisitent au travers de livres et de mooks (publications périodiques hybrides, entre revues et livres) tous les aspects de cet épisode de la Seconde Guerre mondiale, dernière bataille sur notre territoire. Le cinquième numéro du « Mook 1944 » vient de sortir. Un ouvrage pour les passionnés, qui dévoile notamment les erreurs du général Patton, le baptême du feu sanglant des hommes de la 11th Armored Division, la contre-attaque à Lutrebois de la I.SS Panzer-Division, l’engagement compliqué des chars Tiger II à Bastogne ou un délicat point sur les crimes de guerre attribués aux Américains.
Loin du panégyrique que l’on peut lire ailleurs, le mook dresse notamment un portrait nuancé du général Patton, héros populaire de l’épopée ardennaise, qui a pourtant rencontré une féroce opposition et commis des erreurs tactiques. Les auteurs se concentrent ici surtout sur l’après-Bastogne. « La lecture des ouvrages consacrés à la Bataille des Ardennes donne souvent l’impression que le 26 décembre, tout est joué. Patton est arrivé à Bastogne, le reste n’est plus qu’épilogue», expliquent Hugues Wenkin et Olivier Weyrich. “Paradoxalement, ce n’est qu’après cette percée que Bastogne devient le centre de gravité de l’offensive des Ardennes. Le principal choc de la bataille se déroule à partir du 30 décembre. Le général Patton y commande la plus grande force de sa carrière et ne parvient pas à obtenir un succès significatif. Après un début foudroyant, son offensive piétine. Il doit prendre Houffalize pour fermer la porte aux Panzer-Divisions qui évacuent le saillant formé lors des premiers jours. Il n’y parvient qu’après deux semaines de coûteux affrontements, quand il n’y a pratiquement plus rien à enfermer dans une nasse. La manœuvre est devenue aussi vaine qu’inutile. Comme à Falaise en août, comme à Mons en septembre, les généraux d’Eisenhower ne parviennent pas à récolter le fruit du sang versé par leurs hommes ! C’est pendant cette première quinzaine de janvier que la Bataille des Ardennes se transforme en match nul qui ne connaît ni vainqueur ni vaincu.” À cet instant, les pertes alliées sont déjà plus élevées qu’en Normandie ! Et la Bataille des Ardennes ne se terminera qu’à la fin janvier 1945, après que les Allemands sont repoussés derrière leur ligne de départ.
CRIMES DE GUERRE
Les troupes nazies ont perpétré de nombreux massacres en Ardenne, comme à Baugnez, le 17 décembre 1944. Après avoir capturé des soldats américains, rassemblés dans un pré, les SS les abattent à la mitrailleuse, achevant les blessés d’une balle dans la tête, traquant ceux qui s’enfuient. Au total, 84 soldats américains ont été exécutés. C’est un crime de guerre, et un procès aura lieu en 1946, avec la condamnation du chef allemand de l’unité concernée, le lieutenant-colonel SS Joachim Peiper. Le massacre de Baugnez est rapidement connu par les troupes américaines. La haine contre les SS monte encore d’un cran. Certains soldats US vont se venger, tuant des prisonniers allemands, les SS en premier, avec comme point d’orgue le massacre survenu à Chenogne, près de Bastogne.
Le ler janvier 1945, une soixantaine de prisonniers allemands y ont été exécutés par des soldats américains. Le Mook 5 revient sur cet épisode. Le jour de l’An 45, les Américains de la 11th AD prennent d’assaut Chenogne, village où les Allemands résistent depuis trois jours. Des soldats allemands sont notamment réfugiés dans la cave de la ferme du bourgmestre Alexis Burnotte. Des familles du village sont cachées au même endroit. Lors des combats, la ferme est incendiée et les villageois poussent les Allemands à sortir et à se rendre. Mais au fur et à mesure que les Allemands sortent de la cave, ils sont abattus. Le mook cite le témoignage d’un soldat américain, John Fague : “Le premier soldat qui sortit de la fumée fut un infirmier allemand. Il s’avança en chancelant; une vingtaine de coups de feu retentirent. Il se laissa tomber dans la neige, rampa sur quelques centimètres, puis s’écroula définitivement. Il resta là, immobile. Des cris et des hurlements de personnes terrifiées sortaient de cette cave. Ces gens étaient coincés : soit ils restaient et étaient suffoqués par la fumée, soit ils sortaient et étaient abattus par nos armes. Un autre Allemand sortit à tâtons par la porte, fit quelques pas et s’abattit sous une grêle de balles. Plusieurs autres Allemands subirent le même sort. Ils se ruèrent hors de la maison et s’écroulèrent dans la neige. Bientôt, un cercle de cadavres se forma autour de la maison.” John Fague raconte aussi qu’il a vu d’autres soldats américains aligner des prisonniers allemands dans les champs : “Il pouvait y avoir 25 ou 30 Allemands dans chaque groupe. Les mitrailleuses étaient en position de tir. Ces hommes allaient être mitraillés, assassinés. Nous étions en train de commettre les mêmes crimes dont nous accusions les Japonais et les Allemands.” Lorsque Patton apprend qu’ont eu lieu des exécutions sommaires, il écrit le 4 janvier: “Il y a eu aussi quelques incidents malheureux, des exécutions de prisonniers (J’espère que nous pourrons les cacher) …” Après la guerre, il n’y a pas eu de procès. “Aujourd’hui encore, Chenogne reste un sujet largement tabou. L’histoire officielle de l’association de la lle AD est muette sur cet épisode”, écrit Jean-Paul Marthoz, qui retrace d’autres faits à charge des Alliés durant la Seconde Guerre mondiale, et qui ont été passés sous silence. “Les armées qui prétendent tirer honneur et fierté de leur combat pour la liberté, la démocratie et la civilisation ne peuvent tolérer pareils excès”, écrit le journaliste. Vrai débat, toujours d’actualité trois quarts de siècle plus tard.
La percée allemande
Pour aller plus loin encore, les éditions Weyrich publient une nouvelle collection de livres sur cette Bataille des Ardennes. Le tome 1 est dédié à la “percée allemande”. Et ici aussi, l’auteur, Hugues Wenkin, livre une version des faits documentée bien différente de celle admise par l’historiographie officielle. “Les Ardennes n’étaient pas défendues ? Combien de fois encore devrons-nous entendre cette version erronée des prémices de la bataille qui s’y déroule en 1944 ?”, explique-t-il. Sur la base de ses recherches dans les archives allemandes, américaines et anglaises, il démontre qu’un “plan de défense des Ardennes est bel et bien préparé et qu’il est mis en œuvre à la lettre par Eisenhower et ses généraux”. On découvre aussi, preuves à l’appui, que l’attaque allemande était annoncée. “Les Allemands ont communiqué sur les ondes les ordres inhérents à leur offensive, mais ceux-ci ont été ignorés par les services d’écoute alliés”, explique Hugues Wenkin. Loin de s’effondrer aux premiers chocs, la ligne de front a tenu deux jours entiers face à des assaillants pourtant dix fois supérieurs en nombre, ajoute-t-il. “Une page de gloire occultée par les généraux qui ont présidé à l’écriture de l’Histoire qui a prévalu jusqu’à aujourd’hui.” Quand on vous disait qu’il y avait encore tellement de choses à apprendre sur cette Bataille ! »
Un article de Benoît Franchimont, paru dans
Le Soir mag du mercredi 2 décembre 2020
Le numéro 5 du Mook 1944 est disponible en librairies et sur notre E-shop :

La percée allemande – Bastogne (Tome 1) est disponible en librairies et sur notre E-shop :
