Hiver 44, quand l’aigle a fondu sur le faucon
Un travail tout aussi passionnant qu’inédit
Bien connu des lecteurs d’histoire militaire, l’historien Hughes Wenkin est un auteur prolifique. Preuve en est une nouvelle fois apportée avec Le dernier saut (éditions Weyrich) réalisé en collaboration avec Christian Dujardin. Son sujet? L’opération Stösser (faucon en allemand), fort peu connue du grand public : l ’assaut aéroporté allemand mené dans la nuit du 16 au 17 décembre 1944 au début de la bataille des Ardennes. Comme le précisent les auteurs, « nous nous plaisons à affirmer que nous n’écrivons que les livres qui font défaut dans nos pléthoriques bibliothèques sur le conflit. » Un nouveau livre qui témoigne de la volonté des jeunes historiens de raconter l’histoire autrement. Avec de nouvelles sources, indépendantes de celles disponibles après-guerre, et une vision plus réaliste, renforcée par la visite sur le terrain des combats. Ici, les Hautes-Fagnes, où s’est déroulée cette étonnante opération aéroportée improvisée dans le cadre de l’offensive des Ardennes décidée par Hitler.
Un récit, richement illustré, qui débute par la genèse de l’arme aéroportée et son utilisation durant le conflit. Puis par le recentrage sur la préparation de l’assaut et ses défauts initiaux, et la projection sur cette fameuse nuit du 16 au 17 décembre 1944 et le largage d’un bon millier de paras allemands, commandés par l’oberstleutnant Friedrich August von der Heydte. Un assaut raconté comme dans un bon roman de guerre. Avec le récit des hommes de terrain, témoins des deux camps qui se sont fait face en ce terrible hiver. Quel était le but de Stösser? Dans les grandes lignes, il s’agissait pour les Allemands de tenir le carrefour stratégique de Belle Croix et d’empêcher l’arrivée des renforts américains avant la jonction des paras avec les éléments de pointe allemands.
Dès le début, tout a mal tourné. Avec de jeunes paras mal entraînés ou qui n’avaient même jamais sauté. Largués ensuite dans une zone déjà en alerte, tenue par des GI’s aguerris. Un élément auquel il faut ajouter un manque d’armes lourdes et un vent fort qui a éparpillé les paras sur une large superficie. Comme ce qui s’était passé avec les paras américains quelques mois plus tôt, lors de l’assaut sur la Normandie en juin 1944. En décembre 1944, les Fallschirmjäger (paras allemands) de von der Heydte ne sont plus les diables de Carentan comme ils étaient surnommés en juin 1944. Trop souvent utilisée comme infanterie d’élite, « l’armée aéroportée allemande est usée jusqu’à la corde en ce mois de décembre 1944. »
Une dispersion qui a pourtant provoqué une énorme confusion dans les rangs américains, où les Allemands ont été vus partout, et en même temps. Et ce alors que des Allemands déguisés en Américains s’évertuaient à tromper les GI’s.
Une confusion généralisée qui sera l’un des seuls éléments de succès de Stösser, si pas le seul. De quoi conforter les auteurs dans leur volonté de briser certaines idées fausses, souvent amplifiées par Hollywood. Comme l’échec total de cette opération ou le massacre de prisonniers américains par les paras de von der Heydte. Un officier dont les témoignages ont largement contribué à éclaircir la vérité historique.
La psychose installée va rapidement prendre des proportions démesurées par rapport aux effectifs allemands réellement opérationnels, à peine 300 soldats. De nombreuses troupes seront mobilisées pour traquer les Allemands dans les Fagnes. Et seuls 150 paras allemands vont réussir à rejoindre leurs lignes. Leur chef n’aura pas cette chance, capturé par les Américains. Bien des années après la guerre, des corps allemands suspendus dans les arbres des forêts de cette région d’Ardenne seront encore retrouvés.
L’ouvrage lu et refermé, une seule conclusion définitive s’impose : « Stösser n’avait pratiquement aucune chance de réussir. » Dans la conclusion de leur travail, tout aussi passionnant qu’inédit, Christian Dujardin et Hughes Wenkin se risquent au jeu de l’uchronie. Et si… Oui, et si Stösser avait réussi? « Il y a fort à parier que la guerre aurait peut-être été écourtée. » Dans la réalité du conflit, ce dernier saut des paras allemands a constitué un désastre « inscrit dans les gènes de l’offensive Wacht am Rhein. »
Une critique signée Philippe Degouy
« Le dernier saut » de Christian Dujardin & Hugues Wenkin est disponible en librairie et sur notre e-shop :
