Ében-Émael, découverte du lourd secret qui se cache derrière la défaite belge
Entretien avec Hugues Wenkin
Hugues Wenkin, en 2010, vous vous êtes rendu au Centre de documentation historique de l’armée pour mettre en lumière le vécu des combattants belges lors de l’assaut des parachutistes allemands à Ében-Émael. Après maintes recherches, qui n’ont pas été des plus simples, vous avez finalement découvert un document presque inédit. Pour un passionné d’histoire comme vous, que ressent-on lors d’une telle découverte ?
J’ai écrit cet ouvrage en collaboration avec le fort d’Ében-Émael. Le président de l’association m’avait indiqué l’existence d’un énigmatique Rapport Jottrand, du nom du commandant du fort, le 10 mai 1940. Le rapport est classé secret et n’est pas accessible, cependant j’ai la chance de disposer d’une accréditation d’accès aux documents d’archives militaires secrets. Le fameux rapport est en réalité le compte rendu de la commission d’enquête d’après-guerre. Les enquêteurs avaient fait un travail très approfondi pour comprendre les causes de la chute rapide du fort. Ils avaient découvert le lourd secret qui se cache derrière cette honteuse défaite belge. Ce que l’on ressent en découvrant une telle source ? On a envie de crier Eureka ! Toutefois, l’ambiance feutrée de la salle des archives ne se prête guère à un tel débordement, aussi c’est une forme de jubilation intérieure qui prévaut. L’excitation et la curiosité prennent ensuite très vite le dessus.
Quelle est la charge de travail qui se cache derrière un ouvrage tel que celui d’Ében-Émael ?
Quand on aime, on ne compte pas… surtout les heures de travail. Je prépare mes ouvrages en moyenne pendant cinq ans. Je visite les salles d’archives du royaume et de l’étranger régulièrement, une journée en archives est pour moi l’équivalent d’une journée à la plage tant cela me détend. Je prends chaque année une semaine de vacances à Londres pour m’immerger dans les National Archives de Kew, je reviens ressourcé. Une visite dans les archives se prépare à l’avance par la consultation des inventaires des documents recensés dans les institutions. Je travaille sur plusieurs projets en parallèle et recherche systématiquement ce qui est en rapport avec mes études du moment. Lors de ma visite, je collationne les données sur plusieurs sujets. Il y a une réelle part de chance et beaucoup d’obstination pour recueillir les sources nécessaires. À partir du moment où je dispose de l’ensemble des données, je me mets à rédiger. Un livre comme celui sur Ében-Émael demande l’équivalent de dix semaines de 40 heures pour être écrit. L’essentiel du travail a été accompli avant, dans la collecte des informations et la lecture des travaux édités par le passé se rapportant au sujet.
Pourquoi, après sept ans, avez-vous décidé de rééditer cet ouvrage ? Apportez-vous de nouveaux éléments à cette seconde édition ? Dites-nous en plus.
Simplement parce que l’ouvrage est devenu un collector qui s’arrache à prix d’or sur le marché de l’occasion, jusqu’à 360 €/pièce. Les 2000 exemplaires du premier tirage avaient été vendus en moins d’une année. Il y a donc une demande qui n’est pas rencontrée et de la spéculation. Par ailleurs, de nombreux lecteurs qui ont découvert mon travail par la suite le réclamaient à cor et à cri. Une réédition s’imposait.
Quant aux nouveaux éléments, je laisse le lecteur les découvrir…
Lors de vos recherches, y a-t-il un fait qui vous a particulièrement marqué ou étonné ? Quel est-il ?
Le fait que la vérité avait été cachée pour ne pas jeter l’opprobre sur l’Armée belge de 1940. Je peux comprendre une telle attitude de soldat, toutefois c’était au prix d’une valorisation d’un exploit nazi. Le coût m’a semblé prohibitif.
Selon vous, la terrible défaite des Belges lors de l’attaque d’Ében-Émael aurait-elle pu être évitée ? Que pouvez-vous nous en dire ?
Le fort aurait pu résister si les défenseurs avaient fait preuve d’un minimum de rigueur dans leurs tâches. L’histoire de la chute d’Ében-Émael est une version tragique de la 7e compagnie…
Pour finir, que voudriez-vous que vos lecteurs retiennent de vos recherches ?
Que les paras allemands ont eu beaucoup de chance, parce que les défenseurs belges n’étaient pas à la hauteur de la qualité de l’armement entre leurs mains. La victoire allemande n’est pas une réussite du III. Reich, mais une défaite de l’esprit d’à peu près. Une guerre se prépare avec rigueur, la moindre négligence a un coût prohibitif, ce n’est pas Vladimir Poutine qui nous démentira.
« Ében-Émael, l’autre vérité-réédition » de Hugues Wenkin
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